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  • Photo du rédacteurRomain Becker

En verre et contre tout ?


Vin nature, essor du bio, prise en compte des bilans carbone par certaines interprofessions. Le monde du vin semble se soucier de plus en plus de son impact environnemental. Sous la pression des consommateurs, notamment, qui réclament comme avec le reste de l’alimentation davantage de produits respectueux de l’environnement. Dans ce contexte, le débat sur les pesticides a un écho considérable dans la population. Bien que le présence de résidus de pesticides dans le produit final soit très faible (1 à 2% des teneurs normalement admises pour les fruits et légumes d’après cette enquête de France info ; article "Résidus phytosanitaires dans les vins : état des lieux, analyses et expertise"), ces produits phytosanitaires ne sont pas sans impact sur la préservation des sols, des paysages, la santé des travailleurs et ils sont également le symbole d’une agriculture productiviste qui a clairement montré ses limites. Tous ces questionnements et débats sont sains et commencent à modifier concrètement les comportements dans les vignes comme l’atteste l’essor considérable des vins bios, en biodynamie ou “natures”.


Néanmoins, si l’on se penche sur les émissions de gaz à effet de serre de la filière, le constat est moins flatteur.


Une trentaine de bouteilles de vin, vides, posées par terre

Belle perf' !

(Crédit : Romain Becker)



Vert ou verre ?


Trois grandes interprofessions ont réalisé avec Carbone4 un bilan carbone de leur filière à ce jour : Bordeaux, la Champagne et la Bourgogne. Bordeaux et la Champagne ont largement communiqué dessus, la Bourgogne moins. Pour rappel, la méthode du Bilan Carbone permet de mesurer l’impact d’un processus de production en évaluant la quantité de gaz à effet de serre émis. A partir de cette mesure, les acteurs construisent et tentent de mettre en place un plan d’action pour réduire cet impact.


D’après le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) en 2012, l’impact carbone total de la filière est de 734 000t équivalents CO2 (equC). Soit l’équivalent de 1,5 millions d'allers-retours Paris-Rome en avion (oui nous aimons le vin italien aussi).


Rentrons maintenant dans le détail des résultats. Pour en savoir un peu plus, nous avons discuté avec Stéphane Amant du cabinet Carbone4. Les trois postes d’émissions principaux sont les suivants, dans l’ordre :

  • Packaging : bouteille en verre, emballage carton, caisse bois

  • Transport : fret vers les clients (transport routier et aérien), acheminement des intrants et des personnes

  • Energie : engrais, produits phytosanitaires, utilisation de plastique

Avec ces trois postes, vous avez environ 75% des émissions totales des filières. Et tout en haut de la liste ? La fabrication et le transport des bouteilles en verre.



Graphique représentant les différentes sources d'émissions de GES dans la filière vin

Répartition des émissions de gaz à effet de serre pour la filière des vins de Bordeaux

(Source : Aquitaine online)



Rendons à César ce qui est à César. Des actions ont été mises en œuvre. En Champagne par exemple, un axe de travail sur le packaging était inscrit dans le plan climat lancé par le CIVC. Résultat ? Le standard de la bouteille va passer de 890 à 840g. Le CIVC précise que c’est le meilleur compromis entre réduction du poids et des cotes de la bouteille, face à la résistance nécessaire aux contraintes mécaniques (résistance à la pression à l’intérieur de la bouteille). L’initiative est louable, intéressante. Mais elle ne représente qu’une économie de 1% des émissions totales de la filière et cela ne concerne que le standard de bouteille, chaque maison fait encore ce qu’elle veut finalement… En Champagne toujours, la Maison Ruinart va modifier tous ses packagings. 2 ans de R&D ont été nécessaires pour mettre au point un emballage (hors bouteille) 100% recyclable et 9 fois plus léger que le précédent. Belle avancée.


Mais tout ceci est loin d’être suffisant. D’autant plus quand les vignerons, vigneronnes (artisans ou grande maison) se piquent d’écologie avec le changement de pratiques culturales. Allons au bout des choses. Oui le verre est un formidable matériau. Totalement inerte, hermétique, personne n’a trouvé mieux pour la conservation longue du vin. Mais pour tous les vins qui n’ont pas vocation à être conservés ?


Les vins primeurs, les rosés d’entrée de gamme bus dans l’année ou dans des bars qui pensent davantage à leur marge qu’à la qualité du breuvage, le rosé pamplemousse ou tout autre vin aromatisé, les blancs frais d’apéritif, les rouges gouleyants à boire entre copains. Pour tous ces vins, la bouteille devrait avoir fait son temps. Cette question devrait être d’autant plus prégnante dans les vignobles acquis à la cause des vins propres. Dans le milieu des vins “natures” par exemple, nombre de vignerons et vigneronnes revendiquent haut et fort leurs vins glouglou, à boire dans leur prime jeunesse, en toute simplicité. Et pourtant la plupart de ces vins sont distribués en bouteille de verre. Cherchez l’erreur.


D’après Jancis Robinson, qui prend le cas du Royaume-Uni, environ 95% des vins qui y sont vendus sont consommés dans les mois qui suivent leur achat. Admettons même dans l’année. La bouteille en verre est-elle nécessaire ? Clairement, non. Elle est très coûteuse en énergie, lourde à transporter, difficile à ranger (et difficile d’optimiser l’espace avec cette forme).



Différents formats de contenants, de l'amphore au cubi, en passant par différentes formes de bouteilles

Et si c'était l'avenir ?

(Source : Bibovino)



A Bordeaux, après 2007 et 2012, le bilan carbone va être mis à jour en 2020. Le CIVB a d’ores et déjà demandé officiellement à ce que l’accent soit mis sur le packaging. Ceci a été mis dans la feuille de route de Carbone4. Enfin, aurions-nous envie de dire. Et il existe pourtant quantité d’alternatives moins coûteuses énergétiquement et facilement recyclables (voire réutilisables !) pour conserver des vins quelques mois :

  • La bouteille en PET : son inconvénient majeur est qu’elle laisse passer l’oxygène mais pour quelques mois, cela peut-être acceptable et le bilan carbone est positif (si tant que le plastique soit recyclé par la suite)

  • Le BIB : le bon vieux cubi, que les consommateurs associent aux vins de mauvaise qualité mais ce n’est qu’une vue de l’esprit. Il y a des vins tout à fait honorables distribués en BIB. Avant ouverture, les vins peuvent se conserver 6 à 12 mois sans aucune détérioration d’après l’INRA. 1 à 2 mois après ouverture.

  • La briquette très populaire en Amérique du sud

  • Le fût à tireuse pour la restauration (voir à ce sujet les projet de l’Agence Soif qui conditionne également des vins en poche souple de 3l, tout comme les entreprises Vignerons en boîte pour les vins nature ou Bibovino)

  • Le cubitainer : idéal pour les transports sur de longues distances de vin en vrac (en bateau par exemple, moins énergivore que l’avion)

  • La bouteille en fibre de lin mise au point par Green Gen Technologies


Le verre est parfait pour la conservation ? Très bien, réservons la bouteille en verre pour les vins qui seront meilleurs dans 3, 5, 10 ou 20 ans. Bouteille en verre = vin de qualité. C’est probablement cet à priori des consommateurs qu’il faut combattre pour qu’un changement majeur s’opère dans la filière et que le débat sur l’utilisation des produits phytosanitaires ne reste pas l’arbre qui cache la forêt.

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