Crédits : Romain Becker
Tous les vignobles sont touchés par le réchauffement global des températures. « Et alors ? » me direz-vous. Et bien cela a de lourdes conséquences sur la qualité et le style des vins produits.
Globalement, tous les vignerons et vigneronnes que nous rencontrons constatent des dates de vendanges plus précoces, d’environ 1 mois, par rapport à la fin des années 90. Quelque soit la région. Cela veut dire que le raisin mûrit plus vite. Mais de quelle maturité parlons-nous ?
Il convient en effet de distinguer la maturité technologique et la maturité phénolique. La première concerne le taux de sucre présent dans le raisin. La seconde se rapporte davantage aux arômes. Une des conséquences du réchauffement climatique est de les décorréler. Pour simplifier, le taux de sucre monte rapidement, l’acidité baisse mais les raisins n’ont pas le temps de développer leurs arômes. Et à un moment il faut faire un choix : vendanger pour garder de l’acidité mais au détriment des arômes ou patienter au risque d’avoir un vin au degré alcoolique élevé et parfois lourd ? Ceci est volontairement simplifié. Il existe d’autres manières de garder de la fraîcheur dans les vins, notamment en creusant du côté des méthodes culturales. Mais le problème que je vous décris existe partout.
Une des pistes pour s’adapter à ce réchauffement se trouve du côté des cépages. Si le climat se réchauffe, pourquoi ne pas implanter dans les régions septentrionales des cépages traditionnellement utilisés dans les région méridionales ? Par exemple, des essais sont réalisés en Bourgogne et en Alsace avec de la syrah, cépage roi de la vallée du Rhône. Mais dans ce cas, quid du style des vins d’une région ? Ce sont les questions auxquelles va tenter de répondre le CIVB (Comité Interprofessionnel des Vins de Bordeaux) au travers d’une nouvelle expérimentation.
Six petits nouveaux à Bordeaux
L’INAO vient en effet de valider un nouveau cahier des charges pour la région autorisant 6 nouveaux cépages sélectionnés suite à des essais menés depuis 2009 sur une parcelle de l’INRA (programme VitiAdapt). Six nouveaux cépages que voici :
- le touriga nacional : cépage emblématique du Portugal, utilisé pour les portos, il résiste bien à la sècheresse et aux maladies et donne des vins colorés, denses.
- le marselan : croisement de cabernet sauvignon (typique de Bordeaux) et de grenache, il résiste bien aux maladies. On le trouve dans la vallée du Rhône et en Languedoc en petite quantité, en Espagne et en Suisse notamment.
- la castets : cépage local, tombé aux oubliettes après la crise du phylloxéra, il résiste bien aux maladies. Il produit des vins charnus, fait pour la garde mais avec une faible acidité et beaucoup d’alcool
- l’arinarnoa : mis au point par l’INAO en 1956, il s’agit d’un croisement de tannat et de cabernet-sauvignon. Il produit des vins, comme vous pouvez l’imaginer, très denses et tanniques. Sa maturité tardive le protège des gelées de printemps.
- l’alvarinho : le vinho verde portugais, c’est lui. Il fait également des merveilles en Galice. Il produit des vins à l’acidité élevée et aromatiques.
- le liliorila : autre croisement obtenu par l’INRA en 1956 avec le chardonnay et le baroque (lui-même issu du croisement entre le sauvignon et la folle blanche). Il produit des vins riches en alcool et très aromatiques. Bon candidat pour des vins liquoreux.
Voilà donc six nouveaux cépages autorisés en assemblage et dont la part ne peut excéder 10% de l’assemblage final. Il s’agit là d’une expérimentation encadrée sur 10 ans, qui fera l’objet d’évaluations avant un éventuel renouvellement. Concrètement, chaque domaine qui décidera de planter ces cépages signera une convention avec le CIVB et l’INAO détaillant les informations de plantation (surface, densité, etc). Les vinifications devront se faire séparément des cépages traditionnels et des échantillons seront envoyés au CIVB pour suivi et dégustation. Ces évaluations permettront de continuer les expérimentations, d’abandonner des cépages qui ne donneraient pas satisfaction ou de les faire entrer définitivement dans le cahier des charges des appellations. D’après le CIVB et son président Bernard Farges, ces cépages ont principalement été sélectionnés pour leurs résistances aux maladies (mildiou, oïdium, etc) mais également car il s’agit de cépages à maturité tardive. Leur permettant ainsi de conserver davantage d’acidité.
Si les arguments avancés par le CIVB sont intéressants, que penser du style de ces cépages ? Hormis le marselan, tous les autres cépages sont issus de vignobles lointain. Quid des cépages bordelais oubliés comme le mancin, le bouchalès ou le saint-macaire remis au goût du jour (avec brio) par certains domaines comme le château Cazebonne ? Et quid des méthodes culturales alors que le bio et la biodynamie donnent des résultats tout à fait convaincant dans l’adaptation au changement climatique ?
Le débat est loin d’être clos.
Comments