Pierre Overnoy et Emmanuel Houillon (Crédits : Romain Becker)
Ce n’est pas peu dire qu’en ce lundi après-midi pluvieux, au beau milieu de l’automne jurassien, nous n’en menions pas large devant la porte d’entrée de la maison Houillon-Overnoy. Évoquée comme un rêve, l’idée d’échanger avec les deux compères avait été lancée au début de notre aventure. Nous ne pensions pas réussir à les rencontrer si vite. Et c’est grâce à Anne, la femme d’Emmanuel, que nous nous retrouvons à sonner à la porte, attendant fébrilement qu’elle s’ouvre.
A l'entrée du paradis (Crédits : Antoine Msika)
C’est justement Emmanuel qui se montre. Dans un sourire, traversant son visage spontanément, il nous salue et nous invite dans le salon. Des personnes sont déjà assises autour de la table, dans l’attente perceptible de l’arrivée du deuxième visage de ce domaine. Nous nous présentons. Les nationalités sont plus nombreuses qu’à l’accoutumée. Des suédois sont présents, des coréens et bien sûr des Français, du coin ou de l’autre bout de l’Hexagone, spécialement venus rencontrer les talentueux vignerons de la région.
Pierre arrive finalement quelques minutes plus tard après qu’Emmanuel a commencé la dégustation. En ce lundi après-midi, nous avons la chance et le plaisir de commencer par la dégustation, d’habitude dernière étape de nos échanges avec les vignerons. Dans un silence religieux, les deux compères, dont la complicité jaillit spontanément, s’amusent de la situation, comme à chaque dégustation nous confieront-ils plus tard.
Le jeu de la dégustation, parce qu’ici il s’agit bien d’un jeu, traverse les cuvées emblématiques du domaine laissant les plus hardis de la pièce se lancer timidement dans une description du breuvage. Pour nous trois, seul le moment présent et les délices du vin suffisent à notre peine. Cela nous transporte littéralement dans d’autres cieux, en plein bonheur, comme dans le rêve évoqué plus haut. Nous sommes amoureux des blancs ouillés de la maison depuis notre première rencontre avec eux à la Dilettante, un bar à vin d’amoureux niché en plein coeur de Beaune.
Souvenir heureux d'une dégustation (Crédits : Romain Becker)
L’heure passant, Pierre et Emmanuel parlent de leurs relations, de leurs vins, apportent de la joie et de la bonne humeur à leurs invités. L’alcool aidant, la chaleur humaine reprend ses droits chez certains et les échanges se font plus passionnés jusqu’à pousser Pierre à se lever. Toujours friand de ces tours de passe-passe, comme nous l’apprendrons plus tard, il chemine discrètement vers ses secrets. Il revient, cinq minutes plus tard, avec une bouteille à la main. Pas d’étiquette dessus, seul le breuvage sera un indicateur de ce qu’elle contient. Pierre offre alors à l’assemblée quatre choix : un vin de paille qui a mangé ses sucres, un vin jaune, un vieux chardonnay ou un vieux savagnin puis nous laisse “travailler”.
L’idée de goûter à un trésor du domaine rend l’excitation palpable. Inutile de tenter de décrire nos sensations, le plaisir ressenti n’a pas de mot. La complexité de ce vin peut faire penser à chacune des propositions de Pierre. Sa longueur et ses arômes également. Le jeu devient évident. Et Emmanuel et Pierre de sourire devant l’embarras général autour de la table. Ils s’amusent diablement ces deux-là !! Et nous avec, tellement le moment est agréable et deviendra un monument de nos souvenirs.
La dégustation se termine, notre tour arrive. Et bien non ! Un caviste de la région parisienne commence à s’entretenir des spécificités du vin jaune sur lequel il veut écrire un ouvrage. Armé d’un panneau en carton sur lequel sont griffonnées des explications, Pierre va nous expliquer le vin jaune en long, en large et en travers, toujours accompagnée de sa modestie et de son humilité singulière. Tant pis pour nos échanges prévus, nous assistons littéralement à un cours sur le vin jaune. Une fois terminé, et sans dégustation cette fois-ci, Emmanuel nous propose de revenir mercredi après-midi pour nos échanges. Nous acceptons volontiers, bien heureux de les voir deux fois plutôt qu’une ! Sur notre nuage en partant, nous pensons déjà à ce que sera cette deuxième rencontre.
Deux jours plus tard, nous voilà de nouveau au point de départ. Le brouillard ne veut toujours pas nous quitter. Nous attendons qu’Emmanuel ou Pierre viennent. Auront-ils oublié notre rendez-vous ? Mais Pierre, très alerte du haut de ses 82 ans, arrive finalement au volant de sa Suzuki. Il nous salue spontanément et simplement, nous invitant à trouver du réconfort dans la chaleur de son salon.
Nous nous asseyons et installons nos micros. Cette fois, nous ne sommes que tous les 5, prêts à échanger sur le vin, une passion commune évidente. La fébrilité est toujours de mise, c’est que nous nous rendons compte que nous sommes en train de réaliser un de nos rêves de podcast les plus fous. Romain démarre courageusement l’entretien et nous voilà partis pour une heure et demi de questions, de réponses, d’anecdotes, de chant d’un coq voisin et de coups de fil de la part de la Revue du Vin de France, poliment appelée à tenter leur chance un peu plus tard.
Les coulisses du podcast (Crédits : Antoine Msika)
Ils se sont trouvés il y a une trentaine d’années quand Emmanuel est venu travailler avec Pierre. Il n’est jamais parti et a repris les rênes du domaine au tournant de ce millénaire. Nul doute que la passation n’a eu aucun effet sur la philosophie du domaine et la qualité des vins tant les deux complices partagent la même vision. Pierre a été longuement interrogé au cours des dernières années à ce sujet. Nous ne saurons trop vous conseiller d’ailleurs de lire “La Parole de Pierre”, un superbe ouvrage sur son travail et sa vie.
Emmanuel, moins connu médiatiquement que son illustre aîné, dévoile la même pensée et la même passion : la rigueur et la réflexion au service de la qualité et de la précision. L’humilité et la modestie dont ils font preuve tous les deux est magique. Elles agissent sans faux-semblants mettant à nu deux vignerons dont la quête du meilleur vin chaque année, semble inatteignable à les écouter. Et pourtant, quand on goûte, on doute beaucoup de cela !
Tout au long de ces deux rencontres, l’une fortuite et l’autre prévue, c’est peu dire que ce singulier binôme nous a touchés. Leur simplicité, leur passion et leur gentillesse sont prêtes à nous suivre pendant dans de longs mois. Dans la voiture, sur le chemin du retour, des étoiles plein les yeux, c’est le silence qui nous a accompagnés. De ceux qui succèdent les rencontres marquantes. De ceux qui gravent à jamais le souvenir de deux journées particulières. Merci Messieurs !
Pour écouter, les épisodes, ça se passe ici :
Première partie :
Deuxième partie :
Vous voulez visites d'autres domaines jurassiens ?
Pas de problème, on vous emmène découvrir le domaine des Bottes Rouges, Les Dolomies et le Domaine Labet.
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